Turbulences au sein d’un partenariat flou
Depuis l’énoncé de l’absence quasi-totale d’investissements russes en Algérie par le ministre de l’Agriculture Youcef Cherfa, l’ampleur de l’énigme économique a suscité un tollé. Pourquoi, en effet, l’intensité des relations diplomatiques entre les deux pays, manifestée par une déclaration de partenariat stratégique signée en juin 2023 et neuf mémorandums d’entente en février 2025, n’a-t-elle pas abouti à une émotion significative en termes d’investissements? Le pays russe, réellement à l’aise en termes de commerce avec l’Algérie, est-il prêt à aller plus loin que ce niveau de collaboration commercial superficielle?
Malgré le développement constante des échanges commerciaux entre les deux pays, leur structure apparemment solide cache en réalité un déséquilibre structurel profond. Les exportations russes continuent de prédominer sur les échanges, particulièrement dans le secteur agricole, avec la Russie contrôlant 30% du marché algérien du blé, ce qui revient à environ 850 millions de dollars de ventes. Bien qu’ils semblent impressionnants, ces chiffres masquent une relation commerciale unilatérale qui n’apporte pas une création de valeur ajoutée significative pour l’économie algérienne.
L’explication réside dans le manque de réciprocité. L’Algérie apparaît en effet plus comme un marché d’exportation que comme une destination d’investissement, ce qui peut expliquer le peu d’intérêt exprimé par les entreprises russes. La stratégie russe de développer sa présence sur les marchés internationaux prendrait donc essentiellement la forme de ventes au détail plutôt que d’investissements productifs dans l’économie locale. Cette attitude contribue à accentuer la bureaucratie qui caractérise le contexte juridique algérien, souvent jugé complexe par les investisseurs.
Cependant, le temps presse pour que les autorités russes et algériennes comprennent les avantages à long terme de la création de partenariats économiques équilibrés. L’industrie pharmaceutique, les technologies de l’information, l’agriculture ou encore les équipements industriels, sont tous des secteurs potentiellement favorables à des investissements russes. Malgré l’annonce de la présence de six grandes entreprises russes en phase de prospection, aucun projet significatif n’a encore été lancé.
Les opportunités non saisies s’accumulent et le projet d’établissement d’une zone de libre-échange entre les deux pays offre un horizon nouveau pour l’amélioration des relations commerciales. Il faudra toutefois que les deux parties prenent des mesures concrètes pour simplifier les procedures d’investissement et offrir une égale protection aux parties concernées. La mission multisectorielle programmée pour novembre 2025 devrait représenter un moment décisif pour le déclenchement d’une dynamique économique plus efficace entre les deux pays.
L’absence d’investissements russes en Algérie appelle ainsi à une réévaluation des relations commerciales et économiques entre les deux nations. Il est essentiel de mettre fin au commerce émotionnel pour concevoir un partenariat véritablement efficace et mutualiste. L’époque du dialogue politique appelle maintenant le dialogue économique.