Une décision présidentielle historique : la grâce de El Kadi Ihsane, un nouveau chapitre pour la liberté d’expression en Algérie ?
Le 1er novembre marque une date importante dans l’histoire algérienne, celle de la commémoration du 70e anniversaire du déclenchement de la guerre de Libération nationale. À cette occasion, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a pris une décision sans précédent en accordant sa grâce à des milliers de détenus, dont certains condamnés pour des délits liés à l’ordre public. Parmi eux, un nom a particulièrement retenu l’attention : celui d’El Kadi Ihsane, fondateur des sites d’information Radio M et Maghreb Émergent. Emprisonné depuis décembre 2022, Ihsane a été condamné à 7 ans de prison pour « perception de fonds de l’étranger » visant à « porter atteinte à la sécurité de l’État ». Cette décision de grâce présidentielle intervient à un moment où la situation des droits de l’homme et de la liberté d’expression en Algérie est particulièrement surveillée par la communauté internationale.
La grâce présidentielle, annoncée par la présidence de la République, concerne au total 4000 personnes, dont des détenus de droit commun et ceux condamnés pour des affaires liées à l’atteinte à l’ordre public. Cette mesure a été accueillie avec un mélange de soulagement et de scepticisme, certains y voyant un geste de bonne volonté de la part du gouvernement algérien, tandis que d’autres estiment qu’il s’agit d’une décision politique visant à calmer les tensions sociales et politiques qui agitent le pays depuis plusieurs années.
Le cas d’El Kadi Ihsane est particulièrement emblematico. Journaliste et fondateur de deux sites d’information populaires, il a été poursuivi pour des accusations liées à la perception de fonds étrangers, ce qui, selon les autorités, visait à porter atteinte à la sécurité de l’État. Jugé en avril 2023, il a été condamné à 5 ans de prison, peine qui a été aggravée à 7 ans par la cour d’Alger après l’appel. Outre la peine d’emprisonnement, la justice a également ordonné la dissolution de la société Interface Médias, éditrice des deux sites, et la saisie de son matériel. La décision était devenue définitive en octobre de la même année, lorsque la Cour suprême a rejeté le pourvoi en cassation de la défense.
La grâce accordée à El Kadi Ihsane suscite de nombreuses questions sur la liberté d’expression et les droits de l’homme en Algérie. Certains voient dans cette décision un pas en avant vers une plus grande tolérance envers les voix critiques et indépendantes dans le paysage médiatique algérien. D’autres, cependant, estiment que cette grâce ne doit pas occulter les préoccupations plus profondes quant à la liberté de la presse et aux conditions dans lesquelles les journalistes et les activistes peuvent exercer leur droit à l’expression sans craindre la répression.
La décision du président Tebboune intervient à un moment où l’Algérie est sous les feux de la rampe internationale, notamment en ce qui concerne les droits de l’homme et la liberté d’expression. Les organisations de défense des droits de l’homme, ainsi que les institutions internationales, ont à plusieurs reprises exprimé leurs inquiétudes quant à la situation en Algérie, appelant les autorités à prendre des mesures pour garantir la protection des droits fondamentaux et promouvoir une culture de tolérance et de dialogue.
La grâce accordée à El Kadi Ihsane et à milliers d’autres détenus pourrait être vue comme un geste de goodwill de la part des autorités algériennes, visant à améliorer leur image sur la scène internationale et à répondre aux critiques répétées concernant les droits de l’homme. Cependant, pour que cette décision ait un impact réel et durable, il est essentiel que les autorités algériennes s’engagent sur la voie de réformes structurelles visant à renforcer les libertés fondamentales, notamment la liberté d’expression, et à promouvoir une presse libre et indépendante, capable de jouer son rôle de contre-pouvoir sans crainte de la répression.
Enfin, la libération d’El Kadi Ihsane et l’attention qu’elle a suscitée soulignent l’importance du journalisme indépendant et du rôle que les médias peuvent jouer dans la promotion de la démocratie et de la transparence. Dans un contexte où les défis à la liberté d’expression sont de plus en plus nombreux, la détermination et le courage des journalistes et des activistes qui continuent de se battre pour leur droit à l’information et à l’expression sont plus nécessaires que jamais. La grâce présidentielle est un pas, mais c’est aux autorités algériennes de maintenant prendre les mesures nécessaires pour que la liberté d’expression soit Effectivement garantie et que les journalistes puissent travailler sans crainte de persécution.