Au cœur d’une forte mobilisation attendue dimanche, le camp d’Emmanuel Macron redoute un échec historique au profit du Rassemblement National (RN) et du Nouveau Front Populaire (NFP).
Avec deux tours de scrutin majoritaire, plus de 4000 candidats et près de 49 millions de Français appelés aux urnes, les électeurs se rendront aux urnes dimanche pour le premier tour des élections législatives anticipées suite à la dissolution de l’Assemblée nationale. Dans un contexte de montée en puissance du RN, d’alliance de la gauche et de recul du camp présidentiel lors des élections européennes du 9 juin, ce scrutin, à trois ans de la prochaine élection présidentielle, s’annonce historique.
• 577 élections à deux tours
Les Français doivent élire leurs députés dans les 577 circonscriptions du pays lors de ces élections uninominales et majoritaires à deux tours. Pour être élu dès le premier tour, un candidat doit obtenir plus de 50 % des suffrages exprimés et un nombre de voix égal ou supérieur à 25 % des électeurs inscrits. Si ces conditions ne sont pas remplies, le candidat ayant obtenu le plus de voix au second tour sera élu le 7 juillet. Seuls les candidats dépassant le seuil de 12,5 % des inscrits pourront se maintenir au second tour. Ainsi, le taux de participation sera crucial: plus il sera élevé, plus le seuil pour se qualifier au second tour sera bas et plus il y aura de triangulaires.
• Le RN prendra-t-il le large ?
Le RN propulsera-t-il Jordan Bardella à la tête du gouvernement ? Les troupes marinistes n’ont qu’une seule condition: obtenir plus de 289 sièges à l’Assemblée nationale pour décrocher la majorité absolue. Sans cela, le chef du RN déclinera le poste de Premier ministre et refusera de former un gouvernement faute d’avoir une majorité suffisante pour agir librement.
Fort de sa victoire écrasante aux élections européennes (31,37 %) et d’un bon score aux élections législatives (18,68 %), le parti frontiste devrait au mieux tripler son groupe parlementaire composé actuellement de 88 députés. En sera-t-il de même dans le Pas-de-Calais, fief de Marine Le Pen, où sa réélection dès le premier tour semble possible ? Les stratèges frontistes surveilleront notamment le nombre de duels avec le NFP ainsi que les éventuelles triangulaires qui pourraient favoriser leurs candidats. Le pari d’une « alliance » avec Éric Ciotti et une partie des Républicains sera également évalué en fonction du nombre de candidats investis sous cette bannière parvenant à passer le cap du premier tour.
• L’union de la gauche résistera-t-elle aux tensions ?
Les partis de gauche (La France Insoumise, les socialistes, les écologistes et les communistes) qui comptent 150 députés sortants, ont eu l’audace de recréer rapidement un cartel électoral. Cependant, des tensions ont sérieusement entamé cette union. Jean-Luc Mélenchon, figure centrale, a initialement écarté cinq députés sortants de La France Insoumise de manière unilatérale, provoquant une agitation. Il a ensuite semé le doute dans les médias sur son intention d’aller à Matignon ou non.
Le sujet de l’incarnation, resté sans réponse, a relégué au second plan les débats programmatiques. Il semble donc peu probable qu’une majorité absolue se dégage pour la gauche le 7 juillet, bien qu’elle puisse incarner dès le premier tour, ce dimanche, la future force d’opposition au RN. A moins que les profonds désaccords finissent par briser définitivement cette alliance fragile. L’entre-deux-tours constituera un nouveau test de résistance à ce sujet.
• La majorité éclatera-t-elle ?
Les troupes d’Emmanuel Macron se lancent dans l’inconnu. Surpris par l’annonce soudaine du chef de l’Etat, tous espèrent limiter les dégâts redoutés. Ils s’efforcent de mobiliser leurs électeurs après le score obtenu au premier tour des législatives de 2022 (25,75 % des voix). L’objectif est de sauver un maximum de sièges parmi les 250 députés macronistes sortants (171 Renaissance, 50 MoDem et 29 Horizons).
Leur leader, Gabriel Attal, a attaqué les deux alliances autour de La France Insoumise et du RN, qualifiés d’extrêmes, qui selon lui, mèneraient le pays à la ruine. Le plus jeune Premier ministre de la Ve République ne souhaite pas figurer parmi les plus éphémères. Comme les autres ambitieux de son camp – Édouard Philippe, François Bayrou, Bruno Le Maire, Gérald Darmanin – il sait que ce scrutin est susceptible de rebattre les cartes en vue de l’élection présidentielle de 2027.
• LR peut-il disparaître ?
Pour Les Républicains (LR), ces élections législatives ont déjà provoqué un double séisme en interne. D’abord, Éric Ciotti a suscité une vague de contestations des cadres du mouvement avec sa décision inattendue de former une alliance avec le RN au nom de l’unité des droites. Les ténors historiques de LR, suivis par 58 députés sortants sur 61, ont décidé de l’exclure politiquement et juridiquement, sans réussir à le faire avant le premier tour du scrutin.
Ensuite, face au risque de division du parti, Laurent Wauquiez s’est retrouvé contraint de prendre les devants plus tôt que prévu. Il s’est donc engagé dans le grand bain des élections législatives en Haute-Loire, son bastion, et a pris le risque de faire face à la fois à la vague RN et à l’adversité de la majorité présidentielle. En fin de compte, minée par le doute à la veille du scrutin législatif, la droite croise les doigts en comptant sur ses implantations locales. Les pro-Ciotti et les anti-Ciotti attendent avec impatience et inquiétude les résultats du premier tour pour faire le décompte. C’est l’heure de vérité pour LR.
• À qui profitera la participation ?
Ces élections législatives devraient connaître une forte hausse de la participation, et chaque camp espère tirer profit de la mobilisation des électeurs. Le nombre de procurations, dépassant les 2 millions ce vendredi, a doublé par rapport aux élections législatives de 2022. Selon la dernière vague de sondage Ifop-Fiducial pour Le Lesoir, la participation au premier tour est estimée à 67 %, en progression de 20 points par rapport à 2022 (47,51 % de participation au premier tour). Chaque camp espère que cette baisse de l’abstention se traduira en leur faveur dans les urnes.
Le bloc central mise sur le rejet des extrêmes, en critiquant aussi bien le RN que le Nouveau Front Populaire. Les Verts et les socialistes s’allier avec La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon sont également critiqués. Le NFP espère profiter d’un vote de rejet face au RN, en attirant les voix des électeurs mécontents de la politique gouvernementale. Enfin, les troupes de Jordan Bardella misent sur une participation accrue en faveur du parti frontiste afin de maintenir la dynamique d’une formation devenue un rouleau compresseur à droite de l’échiquier politique.
• Quelles stratégies pour l’entre-deux-tours ?
Le dilemme s’annonce compliqué pour le bloc macroniste : quelle consigne de vote en cas de duel RN-NFP au second tour ? Les candidats de la majorité sortante, parvenant à se qualifier in extremis au second tour, devront-ils se retirer en faveur de la gauche pour empêcher le RN de décrocher une majorité absolue ? La soirée électorale de dimanche promet son lot de confusion dans le camp présidentiel. Emmanuel Macron a promis jeudi soir une « grande clarté » dans les consignes de vote pour le second tour.
Les Français, quant à eux, ne semblent pas favorables à d’éventuels désistements des candidats de la majorité ou des Républicains en cas de qualification pour une triangulaire. Selon notre sondage Odoxa-Backbone Consulting, 38 % des Français souhaitent le maintien du candidat de la majorité (36 % pour LR) en cas de qualification en troisième position au second tour. Seulement 29 % d’entre eux souhaiteraient un désistement en faveur du NFP et 31 % en faveur du RN. En cas de duel RN-NFP au second tour, 38 % des Français choisiraient le RN contre 25 % pour le NFP, à l’échelle nationale.