« Un pur racket, sans la moindre équité et la moindre efficacité! », tempête Daniel, parisien possédant une résidence secondaire en Bretagne. « Ce sont ceux qui n’ont pas d’enfants à l’école, usent peu des routes et utilisent rarement les services publics qui vont payer pour les usagers, cherchez l’erreur! » La pilule a du mal à passer pour les propriétaires concernés.
Le nombre de communes ayant instauré une majoration de la taxe d’habitation pour les résidences secondaires en 2024 est en hausse par rapport à 2023, selon une note de la Direction générale des Finances Publiques, DGFiP. Alors que 308 communes l’ont instaurée en 2023 (soit 27% des communes éligibles à la surtaxe), 1461 communes l’ont appliquée en 2024, soit 40% des communes nouvellement éligibles. Parmi elles, 539, plus d’un tiers, ont pratiqué la majoration maximale de 60%. Mais sur l’ensemble du territoire, le taux moyen de la majoration est de 40%.
Ces communes se saisissent du dispositif pour compenser la suppression totale de la taxe d’habitation sur les résidences principales depuis le 1er janvier 2023. La taxe d’habitation sur les résidences secondaires est effectivement perçue au profit des collectivités locales. En 2023, la DGFiP a collecté 3,7 milliards d’euros au titre de la taxe d’habitation. Depuis 2024, 3697 communes sont éligibles, contre 1136 en 2023. Ce ne sont plus uniquement les communes situées en zone tendue, de plus de 50.000 habitants, mais aussi les zones urbaines de moins de 50.000 habitants où les prix de l’immobilier sont élevés.
Loger les locaux et rénover les bâtiments publics
Divonne-les-Bains, dans l’Ain (01), est éligible à la surtaxe depuis l’été 2023 et l’a immédiatement appliquée en 2024. « Notre commune est dite riche donc nous ne recevons plus de dotation globale de fonctionnement de l’État. Or, nous avons besoin de financement, entre autres pour porter nos projets écologiques. De plus, nous sommes en zone tendue et la surtaxe doit permettre de libérer des logements, des résidences secondaires souvent inoccupées, pour loger les locaux et les saisonniers », justifie Vincent Scattolin, le maire de Divonne-les-Bains.
Cette hausse de la taxe d’habitation devrait rapporter entre 700.000 et un million d’euros à la commune en une année seulement. Une somme qui sera réinjectée dans la rénovation des bâtiments publics, notamment dans une école qui ne nécessite pas moins de 4 millions d’euros de travaux. Elle servira aussi à l’entretien du lac, de la piscine municipale et à l’aménagement d’espaces publics, précise-t-on à la mairie. Divonne-les-Bains a décidé de mettre en place le taux maximal de majoration, 60%. « Autant mettre le taux le plus important dès le départ pour obtenir un effet de levier sur la libération des logements », assène le maire.
Dives-sur-Mer, dans le Calvados (14), applique aussi cette surtaxe depuis cette année. La commune « est touchée par l’augmentation des prix du foncier et par la transformation d’habitats permanents en résidences secondaires et en Airbnb », assure le maire, Pierre Mouraret. Cette ville de 6000 habitants « a perdu 600 habitants en quelques dizaines d’années. On a même fermé une école. Notre population qui travaille dans les entreprises locales ne peut plus se loger sur place. Nous souhaitons garder notre double caractère de ville touristique et de ville industrielle. La ville offre en effet 2500 emplois. Ce n’est pas que l’on ne veut pas de résidences secondaires mais on veut garder notre équilibre de 45% de résidences secondaires pour 55% de résidences permanentes », développe le maire.
Pour ceux qui envisagent d’acquérir une résidence secondaire, le quart nord-est de la France leur sera plus favorable: Il se situe en deçà du niveau national comme dans le Grand Est où 26% des communes sont concernées, l’Île-de-France (25%) ou encore les Hauts-de-France (21%). En Île-de-France, certes la majoration est plus rarement appliquée mais lorsqu’elle est instaurée le taux moyen de la surtaxe est légèrement supérieur au niveau national. Elle devient ainsi la troisième région où le taux moyen est le plus élevé (42,5%). Le taux moyen de la majoration est également le plus faible dans les régions situées dans le nord-est (Bourgogne-Franche-Comté: 19,3 %, Grand Est: 33,9 % et Hauts-de-France: 34,2 %). Enfin, dans les DOM, parmi les communes pouvant appliquer la majoration, 9 % l’ont effectivement instituée (5 sur 53).
Un dispositif prochainement appliqué par toutes les communes?
Toutes les communes éligibles vont-elles finir à terme par appliquer cette majoration de la taxe d’habitation pour renflouer les caisses? Il semble que non. Certaines ne se sont pas emparées du dispositif, à l’image de La Tranche-sur-Mer, en Vendée (85). « Contrairement à d’autres communes, nous n’avons pas appliqué la surtaxe, car je considère que les résidences secondaires participent activement aux bases fiscales, et les propriétaires de résidences secondaires ne profitent pas des infrastructures (ramassage d’ordures ménagères…) comme les locaux qui habitent ici à l’année. Nous adoptons plutôt une attitude bienveillante, car nous ne rencontrons pas de problème pour loger les locaux et les saisonniers. Nous comptabilisons 79,1 % de résidences secondaires, ce qui est très bénéfique pour notre commune, aisée financièrement », explique le maire Serge Kubryk.
De même, le maire de Saint-Martin-de-Ré, en Charente-Maritime (17), n’a pas opté pour la surtaxe. « C’est un choix philosophique. Je n’ai jamais augmenté les impôts depuis que je suis maire et j’en suis à mon troisième mandat. En France, on est suffisamment taxé comme ça. Mais je comprends que pour d’autres communes ce soit une manne financière », précise Patrice Dechelette. Il reconnaît toutefois rencontrer des problèmes pour loger les saisonniers mais il trouve d’autres solutions que l’augmentation des impôts. « On met à disposition des mobile-homes avec des tarifs modiques pour les saisonniers. On a aussi une ancienne maison qui servait à des associations que l’on a transformée en hébergements et on a également un projet de construction dans un immeuble qui appartient à la municipalité », énumère-t-il. À Narbonne, dans l’Aude (11), le maire, Bertrand Malquier, déclare également être « contre le matraquage fiscal. Il y a suffisamment d’impôts en France. Et pourtant nous comptons 15% de résidences secondaires, ça aurait pu être une manne financière et nous rapporter 200.000 voire 250.000 euros. Mais nous souhaitons conserver l’attractivité de notre territoire ».
À Cabourg, dans le Calvados (14), pas de surtaxe en vue. « Il existe une symbiose entre la population locale et la population en villégiature. Grâce aux résidences secondaires, notre commune de 3715 habitants peut s’offrir des services à l’année comme si elle comportait 40.000 habitants. Je n’ai jamais voulu opposer les populations donc par équité je n’ai pas choisi d’actionner ce levier pour le moment », confie Emmanuel Porcq, le maire de Cabourg.