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REPORTAGE EXCLUSIF – Au cœur des Caraïbes, se trouve un État insulaire composé de trois îles principales, un petit paradis qui a longtemps suscité l’intérêt des Européens. Indépendant depuis cinquante ans, cet archipel a su préserver son authenticité.
Dès l’arrivée à la Grenade, on a l’impression d’avoir atteint un bout du monde. L’avion s’est vidé à Sainte-Lucie, 250 kilomètres plus au nord, et quelques rares touristes, fatigués par le long voyage, se dispersent sur le tarmac, submergés par l’humidité tropicale soudaine. En prenant le taxi en direction de la capitale Saint George’s, on comprend mieux pourquoi les Grenadiens ne recommandent pas la location de voiture pour visiter l’île. Les routes tournent inopinément, montent et descendent brusquement, serpentent entre des collines verdoyantes. La Grenade n’offre presque aucun terrain plat. Que l’on se trouve à l’ouest, du côté de la mer des Caraïbes, ou à l’est, bordé par l’Atlantique, les paysages de l’intérieur sont dominés par des sommets brumeux, donnant l’impression d’être plus élevés qu’ils ne le sont.
Le mont Sainte-Catherine, point culminant de l’île, ne dépasse pas 840 mètres, mais il s’élève abruptement tout comme le mystérieux mont Qua Qua, connu pour son sentier de crête escarpé, grimpant au cœur d’une jungle luxuriante et surplombant le lac de Grand Étang, une ancienne caldeira. Au bord des routes, des chèvres broutent tranquillement, des écoliers en uniforme rient sous la chaleur étouffante des premières heures du matin. Les nombreux arbres fournissent une ombre bienvenue, muscadiers aux feuilles luisantes, manguiers centenaires aux racines gigantesques, cacaoyers aux cabosses rouge sombre, jacquiers majestueux, girofliers, avocatiers, papayers…
Les sols de cette île volcanique sont si fertiles qu’il suffirait de semer quelques graines pour voir une forêt émerger. Autrefois deuxième producteur mondial de noix de muscade après l’Indonésie, l’île aux épices a perdu sa place après le passage de l’ouragan Ivan en 2004. Vingt ans plus tard, c’est le cyclone Beryl qui a ébranlé sa petite sœur, Carriacou, la « terre entourée de récifs » en langue arawak. Des vents dépassant 200 km/h ont détruit la plupart des maisons en bois de l’île.
Deux mois après la catastrophe, la vie reprend doucement. Si le temps semble déjà ralenti à la Grenade, à Carriacou, il s’est simplement arrêté. Le seul village, Hillsborough, se résume à deux rues bordées de quelques échoppes. Sur les routes, ses 900 habitants freinent pour se saluer lorsqu’ils se croisent et laissent tranquillement traverser les iguanes. Près du petit aéroport de l’île, Paradise Beach porte bien son nom. Ce ruban de sable blanc ourlé de cocotiers est une plage de carte postale étonnamment préservée de la surpopulation touristique. L’archipel de la Grenade, à l’extrémité sud des Caraïbes, reste confidentiel malgré l’ouverture récente de quelques hôtels sur l’île principale. Sa position géographique et son histoire mouvementée l’ont longtemps tenue à l’écart des flux touristiques.
La Grenade a été le théâtre de rivalités franco-anglaises. Si Christophe Colomb a découvert l’île à la fin du XVe siècle, c’est en 1650 qu’un groupe de colons français dirigé par Jacques Dyel du Parquet, gouverneur de la Martinique, prend possession de l’île, exterminant ses habitants, les Indiens kalinagos. Pendant un siècle, la Grenade est sous domination française, favorisant le développement des plantations sucrières et de l’esclavage. Des noms comme Grand Anse, Mardigras, Grand Étang ou encore Lance aux Épines témoignent de ce passé français, mais leur prononciation anglicisée, la conduite à gauche et les belles bâtisses en brique de Saint George’s témoignent de l’influence d’un autre empire. Après avoir remporté la guerre de Sept Ans, l’Angleterre prend le contrôle de l’île en 1763.
Quelques années après l’indépendance américaine, les Français reprennent l’île à l’issue d’une bataille sanglante mais sont rapidement chassés par les Britanniques malgré la construction d’une imposante forteresse défensive. Le Fort Frederick, surplombant la capitale, est l’un des bastions les mieux conservés des Caraïbes. Il est curieux de constater que les canons sont orientés vers l’intérieur pour repousser les attaques surprises venant de terre. Les Britanniques sont restés sur l’île jusqu’à son indépendance en 1974. L’historien John Angus Martin explique que « dans un premier temps, les esclaves ont continué à parler le créole pour pouvoir communiquer entre eux sans être compris de leurs maîtres, et les planteurs utilisaient le français même si les Britanniques l’interdisaient ».
L’esprit de la Révolution française a fortement influencé Julien Fédon, héros grenadin qui a mené un soulèvement contre la domination britannique en 1795. Soutenue par les Français, cette rébellion a échoué mais a laissé une empreinte profonde sur l’île et ses habitants. Maurice Bishop, grand révolutionnaire national, s’en est inspiré lors de son coup d’État marxiste qui a entraîné l’invasion de l’île par les États-Unis de Ronald Reagan. Depuis, l’histoire de la Grenade a repris un cours paisible mais le passé colonial reste tangible à travers de nombreux monuments et des plantations converties en fermes biologiques.
Au XIXe siècle, la Grenade a abandonné la culture de la canne à sucre pour se tourner vers les épices, notamment la noix de muscade et le cacao. Après l’abolition de l’esclavage, de nombreux fermiers ont fait venir des travailleurs indiens pour leurs plantations. Certains ont su profiter de l’après-guerre pour se lancer dans les affaires. L’ancienne plantation Belmont, au nord de l’île, appartenant à la famille Nyack depuis quatre-vingts ans, est l’une des plus importantes. Elle emploie plus de 100 personnes pour la production raisonnée de cacao, de muscade, de noix de cajou, de gingembre. Cette propriété a récemment ouvert une chocolaterie et s’oriente vers le tourisme avec des visites pédagogiques et un restaurant mettant en valeur les produits de la plantation. Plus au sud, L’Esterre, propriété de la famille Ramdhanny, est une autre plantation de cacao bio offrant une expérience authentique.
Les fèves de cacao du domaine Belmont sont disposées au soleil sur des claies amovibles, séchées par les ouvrières qui les remuent avec les pieds pour accélérer l’évaporation de l’eau. Lauren Ramdhanny nous accueille sur sa belle véranda pour nous parler d’une agriculture régénérative. Grâce à la détermination de Bobbie, la nièce de Lauren vivant au Royaume-Uni, L’Esterre fabrique désormais son propre chocolat dans une petite usine du Warwickshire tout en préservant la terre de ses ancêtres. La tradition est également au cœur de la production de rhum de la distillerie River Antoine, l’une des plus anciennes des Caraïbes, fonctionnant sans électricité avec un moulin d’origine.
Ce rhum, atteignant 75° d’alcool, donne le sourire aux ouvriers qui organisent des tournois de dominos pendant leurs pauses. Toutefois, toutes les réminiscences du passé ne sont pas aussi joyeuses. À Carriacou, la culture des ancêtres africains se perpétue à travers le Big Drum, un ensemble de chants et de danses rituels préservant le souvenir des lignées familiales. En explorant l’île, la côte atlantique réserve le spectacle émouvant d’un cimetière sur la plage où de nombreux esclaves ont été enterrés, des vaches errant entre les pierres tombales peu à peu englouties par la montée des eaux, orientées vers le continent africain pour rapprocher les défunts de leur terre de naissance.
Le site de l’Autorité du tourisme de la Grenade (Puregrenada.com) offre de nombreuses idées d’activités sur l’île. Les vols aller-retour Paris-La Grenade via Londres avec British Airways/InterCaribbean Airways sont disponibles à partir de 1200 €. La marque luxe du groupe Kuoni France, Émotions, propose des séjours combinés à la Grenade avec diverses options d’hébergement.
À la Grenade, l’hôtel Silversands Beach House offre un séjour luxueux avec des chambres offrant une vue imprenable sur la mer des Caraïbes. Six Senses La Sagesse, un tout nouveau resort sur la côte atlantique, propose des suites et des villas avec piscine dans un cadre exceptionnel. À Carriacou, la Villa La Pagerie est une adresse enchanteresse offrant des vacances de rêve.
Pour les gourmets, plusieurs adresses à ne pas manquer sont recommandées. La terrasse de Sails située au port de Saint George’s offre une vue panoramique sur la capitale. Umbrellas Beach Bar sur la plage de Grand Anse est une institution où l’on peut déguster un rhum punch en écoutant de la musique devant le coucher de soleil. La plantation Belmont Estate possède un restaurant offrant une expérience culinaire traditionnelle tandis que le Paradise Beach Club à Carriacou propose une cuisine de qualité avec une vue sur la mer.
À voir et à faire à la Grenade, il est possible de visiter le Tower Estate, une magnifique demeure victorienne, de randonner jusqu’aux cascades de Seven Sisters ou de voguer à bord d’un sloop traditionnel pour découvrir le parc de sculptures sous-marines. À Carriacou, les Lambi Queen Tours proposent des excursions en bateau autour des îles environnantes, des visites de White Island à Sandy Island en passant par Saline Island et ses tortues marines. Il est également possible de grimper à High North pour admirer la vue et contribuer à la reforestation du parc national.
En conclusion, la Grenade est un trésor des Caraïbes, offrant un mélange unique d’histoire, de culture et de nature préservée. Avec ses paysages époustouflants, sa cuisine riche en saveurs et son accueil chaleureux, cette destination mérite d’être découverte et explorée. Que ce soit pour des vacances relaxantes sur la plage, des activités nautiques, des randonnées en montagne ou des visites culturelles, la Grenade a de quoi satisfaire tous les voyageurs en quête d’authenticité et d’aventure.
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