La vente du château de Louveciennes (Yvelines) à Mohammed Ben Salman pour la somme record de 275 millions d’euros avait déjà bien fait jaser. Le montant semblait déjà énorme pour une construction récente sans pedigree historique et dans une localisation où les transactions en dizaine de millions d’euros sont rares… Alors que dire de l’évocation d’une arrivée sur le marché du château de Gretz-Armainvilliers (Seine-et-Marne) au prix stratosphérique de 425 millions d’euros? Un montant jamais atteint en France et peut-être même dans le monde.
Qu’est-ce qui peut bien justifier un tel tarif dans le département le plus excentré de l’Île-de-France et où les biens de grand luxe actuellement proposés à la vente ne dépassent guère les 15 millions d’euros. «Il faut bien noter que le château est proposé avec un exceptionnel terrain de 1000 hectares, ce qui peut attirer de très grandes fortunes souhaitant être complètement isolées», estime Stéphane Aguiraud, président du Groupe Mercure, réseau spécialisé dans la vente de châteaux. Il reconnaît pourtant qu’au vu de la localisation du domaine, il sera difficile de valoriser le foncier à ces niveaux. Et se pose ensuite la question de la valeur immobilière du château en lui-même. «C’est finalement un bâtiment assez récent remontant à la fin du 19e siècle, reste à voir dans quelle mesure les travaux lancés par le roi Hassan II du Maroc dans les années 1990 sont conformes au goût de cette époque, précise-t-il. Et dans quelle mesure ils répondent toujours aux besoins actuels de la clientèle.»
«C’est absurde»
Difficile de savoir ce qu’il en est, l’intermédiaire belge chargé de la commercialisation de ce bien hors norme, Ignace Meuwissen, n’ayant pas pu répondre à nos sollicitations. Il faudra donc se contenter des confidences faites à Paris Match par celui qui indique sur son site web ne pas traiter d’affaires sous la barre des 10 millions d’euros. Ce dernier ne manque pas d’évoquer l’immense domaine et son lac de 1 km de long ou encore les «travaux pharaoniques» menés par le roi du Maroc. Il semblerait que le manoir de style anglo-normand ait plutôt viré au palace marocain à l’intérieur. Il est question de cuisines européennes et marocaines, de pièces de réception ou destinées à la chasse et même d’un gros ensemble médical pour assurer la santé du monarque: entre clinique dentaire, pharmacie, laboratoire d’analyse ou salle d’examen. L’ensemble revendique une centaine de pièces, 2500 m² habitables et 17 chambres à coucher. Sans oublier une écurie pour 50 chevaux.
Un bien atypique qui pourrait avoir du mal à trouver sa cible à ces niveaux de prix. Sous couvert d’anonymat, des spécialistes de l’immobilier de luxe et des châteaux estiment que le prix annoncé est totalement fantaisiste. L’un d’eux affirme avoir été approché pour cette vente il y a deux ans à un prix bien inférieur et s’en était détourné, au vu du prix «irréaliste». «Ça n’a pas de sens, c’est absurde, résume même un autre agent immobilier. Des propriétés de ce type pourraient partir à 20-25 millions, voire 30 millions si on déclenche un coup de cœur absolu.» «Je ne suis même pas sûr que Vaux-le-Vicomte, qui n’a aucun projet de commercialisation, se vendrait à ce tarif», lâche un troisième.
Tous notent par ailleurs que la transaction est entourée de mystère entre un agent immobilier belge indépendant installé en Suisse et revendiquant ses liens avec des oligarques russes et ukrainiens ou la vente du château par Mohammed VI en 2008 pour 200 millions d’euros à un acheteur discret, «originaire du Moyen-Orient», dont on ne sait quasiment rien. «Si une transaction se concluait à ces niveaux de prix, j’imagine même que la Safer (Société d’aménagement foncier et d’établissement rural) se pencherait de près sur la transaction en estimant que cela survaloriserait le foncier», souligne un bon connaisseur de ce type de dossier. À proximité de ce secteur, le domaine des Bordes, avec des qualités assez comparables avait été mis en vente il y a des années déjà pour une petite fraction de ce prix et avait largement dû revoir ses ambitions à la baisse.