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TÉMOIGNAGES – Lancées par YouTube pour contrer son rival TikTok, ces vidéos très courtes offrent aux créateurs une meilleure rémunération… et les incitent, ensuite, à passer à des formats bien plus longs.
Un café parisien. Une jeune femme prend un café en terrasse. Un badaud apparaît à la vitre. Il lui jette une fleur puis s’éloigne maladroitement. D’abord agacée, elle se laisse attendrir par le mot doux qui l’accompagne. Elle lui fait signe de revenir. Fin de la vidéo. Cette courte séquence du YouTubeur français Tony Czech totalise 127 millions de vues et 4 millions de likes, un score notable. Elle illustre le potentiel de ce format de vidéo de moins d’une minute que YouTube a mis en place en 2021, sous le nom de Shorts, en guise de riposte directe à l’application chinoise TikTok. « Les Shorts ont permis l’essor d’une nouvelle génération de talents », explique Justine Ryst, directrice générale de YouTube France.
De fait, le marché est alléchant. Plus de 2 milliards d’internautes regardent des vidéos YouTube Shorts chaque mois dans le monde, d’après le réseau social. En France, les vues quotidiennes sur YouTube Shorts ont plus que doublé en un an. « Les chaînes YouTube qui publient des Shorts croissent plus rapidement. La demande du public pour du contenu court constitue une tendance à long terme », avance Pierce Vollucci, chef de projet YouTube en Californie, dans une vidéo sur le sujet. Encore mieux : dans la musique, les Shorts générés par des fans entraîneraient une hausse de 80% de l’audience d’un artiste, d’après des statistiques de YouTube datant de l’an dernier.
«TikTok rémunère très peu»
Le Marseillais Batzair n’en revient toujours pas. « Depuis trois ans, je gagne 1 million d’abonnés sur YouTube chaque année grâce aux Shorts. C’est un booster énorme ! », confie le comédien de 28 ans qui s’est fait connaître sur TikTok pendant le confinement. « Ce qui m’a surpris aussi, c’est que ma vidéo courte qui a généré le plus de vues était sponsorisée ». Le Short en question, un « tuto » humoristique pour gagner une bataille d’eau, a généré 20 millions de vues. « Les vidéos YouTube sont généralement plus travaillées que celles de TikTok, qui relèvent davantage du sketch. Je me reconnais plus dans l’ADN de Shorts », ajoute l’influenceur. Fort de son succès, il s’est mis aux vidéos longues sur la plateforme d’Alphabet. Il a pour cela fait appel au groupe Webedia, qui l’accompagne depuis juillet 2023.
Par rapport à son concurrent chinois, YouTube Short présente un intérêt financier pour les créateurs. « TikTok rémunère très peu, alors qu’on peut vivre de son travail sur YouTube. C’était ma principale motivation pour me mettre aux Shorts », raconte Loïc Suberville, dont la chaîne affiche 3 millions d’abonnés sur YouTube, avec un cœur de cible de jeunes entre 18 et 24 ans. Le comédien, qui joue avec humour sur les différences linguistiques, confie gagner en moyenne 2000 euros par mois en revenus publicitaires sur YouTube, auquel il faut ajouter un contenu sponsorisé par mois, rapportant à chaque fois « entre 10.000 et 20.000 euros ». Une manne pour celui qui était, il y a cinq ans, serveur dans un café de Los Angeles, puis est rentré en France où il s’est formé au Cours Florent.
«On fidélise mieux sur des formats longs»
Gagner autant d’argent ne laisse pas indifférent. « Je fais des millions de vues avec des vidéos qui me prennent 2 ou 3 heures. J’ai parfois le syndrome de l’imposteur », confesse-t-il. La vidéo courte correspond en tout cas à sa façon de travailler. « J’aime la spontanéité de ce format. Quand j’ai une idée, je m’y mets tout de suite et je sais qu’elle sera montée et diffusée en quelques heures. Cela me convient parfaitement car j’ai un TDAH (trouble déficit de l’attention) », ajoute le vingtenaire qui a grandi aux Etats-Unis. Ses sketches bilingues plaisent des deux côtés de l’Atlantique. Leurs coûts de production sont limités. Sa vidéo humoristique « French is easy » («le français, c’est facile»), réalisée en filmant sur son écran un logiciel de traduction, a collecté… 74 millions de vues.
Mais le Graal pour ces chasseurs de clics, c’est de pouvoir s’adresser à un public mondial. Et pour cela, rien de tel que le muet. « Je crée des contenus sans parole, à la Mister Bean, et ça cartonne », relate le vidéaste Tibo InShape, spécialisé dans la musculation, sur l’émission Zen de YouTube. Exemple : cette vidéo muette d’une vingtaine de secondes où il se fait réprimander par sa copine, qui a généré 258 millions de vues. Et les femmes dans tout ça ? Les créatrices, comme sur les autres formats, restent minoritaires, mais certaines sont parvenues à percer à l’image de l’influenceuse Lauren Cruz dont les micro-trottoirs cartonnent sur Shorts.
Reste que les vidéos courtes, qui se consomment à la pelle, ne créent pas de liens aussi solides entre les influenceurs et leur public. « Ce n’est pas le même attachement. On fidélise quand même mieux sur des formats longs », tempère Tibo InShape. Le revers de la médaille.
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