Plus de 200 créateurs de contenus ont été accrédités pour couvrir un événement exceptionnel et toucher directement la jeunesse américaine. Mais la cohabitation entre ces influenceurs et les médias traditionnels ne se déroule pas sans heurts.
Dans l’enceinte de l’United Center à Chicago, le décor habituel des matchs de basket des Chicago Bulls ou des concerts laisse place tous les quatre ans à une scène politique majeure : la Convention nationale du Parti démocrate. En ce dernier jour de l’édition 2024, tous les regards sont tournés vers Kamala Harris qui prononcera son discours d’intronisation à la présidentielle. Des mois de préparation ont été nécessaires pour organiser cet événement d’envergure. Tandis que les médias classiques sont installés au fond de la salle dans un espace dédié, les influenceurs se trouvent quant à eux confortablement installés sur une plateforme à trois étages offrant une vue imprenable sur la scène.
Arborant leur smartphone, ces influenceurs captent en direct les discours de Kamala Harris, de son colistier Tim Walz ou encore de Barack et Michelle Obama. En quelques minutes à peine, leurs vidéos sont partagées en masse sur TikTok et Instagram. Pour la première fois dans l’histoire du parti démocrate, près de 200 créateurs de contenus ont été accrédités afin de toucher un public jeune et moins enclin à suivre les médias traditionnels. Au sein de l’United Center, ils bénéficient de quatre zones de tournage différentes et ont même l’autorisation de se rendre dans les galeries, à côté des journalistes. Mais les avantages ne s’arrêtent pas là.
Dans des salons privés, ces influenceurs peuvent savourer des mets gastronomiques et quelques verres de vin, comme en témoigne le média spécialisé Wired qui a pu accéder à ces espaces. Avant l’événement, une soirée sur un yacht a été organisée pour leur permettre d’échanger avec des membres de la campagne de Kamala Harris, dans une ambiance décontractée et festive. Une stratégie bien pensée de la part du parti démocrate qui mise beaucoup sur ces nouvelles stars. La première soirée de la convention a rassemblé plus de 20 millions de téléspectateurs, mais ce sont 7 millions d’internautes supplémentaires qui ont suivi l’événement sur les réseaux sociaux. Les vidéos publiées par les influenceurs ont quant à elles cumulé plus de 30 millions de vues.
Parmi les créateurs de contenus présents, certains se spécialisent dans le divertissement et touchent un large public, tandis que d’autres, à l’image d’Ashley Laverne Jackson, fille du célèbre militant pour les droits civiques Jesse Jackson, militent activement pour le vote et l’engagement citoyen. Chaque matin, la vidéaste Synclaire Warren partage sa tenue du jour à ses 14,000 abonnés sur Instagram avant d’orienter la conversation vers des sujets politiques plus engagés. Si les influenceurs ont un accès privilégié aux leaders politiques, les médias traditionnels se retrouvent relégués sur la touche, provoquant parfois des tensions.
Plus de 15,000 journalistes ont été accrédités pour couvrir l’événement, mais les démocrates semblent favoriser les influenceurs en leur offrant des privilèges et des opportunités exclusives. La tiktokeuse Vidya Gopalan a ainsi obtenu une interview avec Kamala Harris, déclenchant l’ire de certains journalistes qui n’ont pas eu la même chance. Ro Khanna, député démocrate, soutient cependant que la diversité des voix et des formats est essentielle pour toucher un public varié.
Les influenceurs sont devenus des outils incontournables pour les campagnes politiques, offrant un accès direct à des audiences engagées et réactives. Tandis que les partis politiques rivalisent pour attirer l’attention des nouvelles générations, les influenceurs s’imposent comme des acteurs incontournables de la scène politique américaine. Cette nouvelle tendance marque un tournant dans la manière dont les messages politiques sont transmis et reçus par le public, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives pour les campagnes à venir.