Le 25 août 2022, le président algérien Abdelmadjid Tebboune et son homologue français Emmanuel Macron se sont rencontrés au palais présidentiel d’Alger, un moment symbolique qui fait écho aux relations tumultueuses entre la France et l’Algérie. Plus de six décennies après la fin de la guerre d’Algérie, qui a conduit à l’indépendance du pays en 1962, les effets de ce conflit demeurent profondément ancrés dans la mémoire collective des deux nations.
Le 1er novembre 1954, une date marquée par le début de la lutte pour l’indépendance, est connue sous le nom de « Toussaint rouge ». Cette guerre, qui a dévasté l’Algérie et marqué l’histoire coloniale française, continue de résonner dans les esprits. Le Front de libération nationale (FLN), qui a conduit cette lutte, demeure un symbole fort de la quête d’émancipation du peuple algérien face à la domination coloniale française.
Les relations diplomatiques entre Paris et Alger sont souvent tumultueuses et sujettes à des tensions. L’Algérie apparaît parfois comme un fantasme, un obsédant épouvantail dans le discours public français. Des voix comme celles de l’historienne Naïma Huber-Yahi dénoncent cette récurrence et la stigmatisation dont souffre l’Algérie dans le débat sociopolitique français, où elle est souvent associée à des sujets controversés comme l’immigration, la crise identitaire ou encore l’intégrisme islamique. « L’Algérie est stigmatisée et présentée comme un ennemi perpétuel, » déclare Badis Khenissa, un acteur clé de la communauté algérienne à l’étranger, fustigeant ce qu’il appelle l’« Algérie bashing ».
La présence algérienne en France est également un aspect incontournable de cette histoire complexe. Didier Leschi, le directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), souligne que les Algériens représentent la plus grande communauté d’immigrés en France, surpassant les Italiens et les Portugais en termes de démographie. Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), près de 892 000 immigrés algériens vivent en France, témoignant des liens historiques qui continuent d’unir les deux pays.
L’historien Benjamin Stora rappelle que la mémoire de la guerre d’Algérie touche plus de sept millions de personnes en France, qu’il s’agisse de soldats, de rapatriés (pieds-noirs et juifs), de harkis ou de bi-nationaux. Ces considérations soulignent la manière dont le passé colonial continue de hanter les relations entre les deux nations, impactant les discussions contemporaines sur l’identité, l’histoire et l’immigration.
Cette mémoire partagée, complexe et parfois douloureuse, ne cesse de nourrir les débats, tant dans les médias que dans la sphère public. Les questions qui en découlent ne sont pas simplement celles de la réconciliation entre les deux nations, mais également celles de l’identité nationale, des réparations historiques et de la construction d’un avenir commun. En effet, les politiques françaises vis-à-vis de l’Algérie sont souvent influencées par des préoccupations internes liées à l’immigration, à la sécurité et à des idéologies identitaires.
Ces thèmes résonnent particulièrement dans le cadre électoral français où la droite a tendance à exploiter ces questionnements pour capitaliser sur la nostalgie de l’Algérie française et sur l’inquiétude grandissante liée à la migration. Ce climat d’anxiété politique peut mener à une simplification des relations entre les deux pays, où l’Algérie est souvent vue sous un prisme négatif, ce qui ne fait qu’accentuer les fractures historiques et culturelles.
Ainsi, malgré les tentatives de rapprochement et les dialogues instaurés entre les dirigeants algériens et français, la mémoire de la guerre d’Algérie demeure un obstacle majeur à une réconciliation authentique. C’est un héritage lourd qui continue de façonner les perceptions et les relations entre les générations, à la fois en Algérie et en France.