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Avec un chiffre d’affaires de 12% en 2023, ces enseignes ont bénéficié de la crise inflationniste.
Le paysage urbain est marqué par une devanture bleu nuit, joliment décorée de menuiseries, avec le nom « Maison Bécam » qui se détache en lettres dorées. Les 25 boulangeries de cette enseigne sont maintenant facilement identifiables dans le Grand Ouest. Et l’entreprise affiche des ambitions considérables : 50 nouvelles boutiques verront le jour d’ici 2026, notamment à Paris, dans le Nord, l’Est et à Nice, avec une ouverture mensuelle, la moitié en franchise et l’autre en propriété. Maison Bécam compte déjà 450 employés pour un chiffre d’affaires prévu de 16 millions d’euros en 2024 (+ 6 %), un an après avoir atteint la rentabilité.
Nicolas Bécam, 45 ans, fils de boulangers de la Mayenne et d’Angers, a ouvert sa première boulangerie il y a une vingtaine d’années avec sa femme, Cécile Bécam, anciennement dans l’hôtellerie-restauration, à Angers. « Nous rêvions d’avoir notre propre petite boulangerie, la revendre au bout de sept ans, puis en acquérir une plus grande à chaque fois. C’est un parcours classique dans le secteur. Mais nous nous sommes découvert une fibre entrepreneuriale : surmonter les obstacles, maîtriser notre métier », souligne Nicolas Bécam. En 2012, Le Jardin de saveurs, qui était le premier nom commercial, devient Maison Bécam et ouvre quatre enseignes. La même année, une première levée de fonds a eu lieu avec le soutien de six entrepreneurs locaux. Le couple a été mentoré par Bertrand Baudaire, directeur général du groupe angevin Baudaire (230 restaurants, dont les enseignes La Boucherie, pour un chiffre d’affaires de 168 millions d’euros).
Cette enseigne fait partie de ces réseaux de boulangeries généralement implantés en périphérie des villes et qui ont connu une croissance fulgurante ces dix dernières années. Marie Blachère, Ange, Louise, Sophie Lebreuilly… Développées en franchise mais aussi en succursales, ces enseignes ont bénéficié de la crise inflationniste avec une augmentation significative de leur chiffre d’affaires en valeur de 12% en moyenne l’année dernière, selon les données de l’institut Xerfi. Leur succès suscite désormais l’intérêt des investisseurs. Fin 2022, le groupe de distribution Teract (Gamm Vert, Jardiland) a acquis 74,56% du capital de Boulangerie Louise. À l’automne 2023, Lov Group est entré au capital du réseau des boulangeries Ange.
Le sandwich et le snacking au cœur des ventes
« La boulangerie est un secteur qui entre en concurrence directe avec la restauration rapide. Ce sont des circuits très dynamiques avec une forte présence, explique Matteo Neri, directeur d’études et expert du secteur agroalimentaire chez Xerfi. Ces enseignes ont adopté les stratégies marketing de la grande distribution en proposant des offres promotionnelles sur certains produits. » De quoi séduire de nombreux consommateurs en période de hausse des prix alimentaires, offrant souvent un meilleur rapport qualité-prix que la restauration rapide. En effet, les ventes de pain, bien que reste un produit phare, ne représentent en moyenne que 30% du chiffre d’affaires. « Le gros des ventes se concentre sur les sandwichs et le snacking », ajoute Matteo Neri.
Cependant, en produisant de la pâte à pain sur place tout en maintenant des prix raisonnables, ces chaînes tirent profit de l’appellation « boulangerie » et se différencient ainsi d’autres enseignes comme Paul et La Mie Câline, qui se contentent de la cuisson sur place (« terminaux de cuisson ») et qui sont en perte de vitesse, d’après Xerfi.
Comparé à un boulanger indépendant, leur modèle économique en réseau leur permet de réaliser des économies d’échelle significatives. « Aujourd’hui, avec l’inflation, un indépendant doit générer au minimum 1 million d’euros de chiffre d’affaires sur deux ans pour survivre et rembourser les banques. En réseau, nous réfléchissons, achetons et gagnons collectivement », estime Nicolas Bécam, qui met en avant « l’animation d’un réseau de franchisés, car la gestion en direct est très contraignante ».
Certaines de ces enseignes cherchent à se positionner sur un segment plus haut de gamme que d’autres. « Dans le secteur de la boulangerie, il existe en réalité trois modèles. L’indépendant, qui fabrique tout sur place mais sans marque identifiée, le réseau d’enseignes identifiées comme Ange ou Feuillette, qui ne produisent pas tout en interne (comme les viennoiseries et les pâtisseries). Et nous, qui combinons les deux », poursuit le dirigeant de la Maison Bécam. Selon lui, tous les pains sont « pétris, façonnés et cuits sur place ». Quant aux viennoiseries et aux pâtisseries, elles sont préparées dans le laboratoire central d’Angers, « pour plus de régularité dans la production », avant d’être surgelées et transportées.
L’émergence de coffee-shops en centre-ville
Situées souvent dans les zones commerciales ou près des rond-points, ces chaînes privilégient les périphéries des agglomérations plutôt que les centres-villes. Places de parking gratuites, espaces plus vastes… Ces quartiers périphériques sont « moins contraignants et offrent des perspectives financières plus attractives », souligne Nicolas Bécam, qui avait initialement investi en plein centre d’Angers ou de Nantes.
Ces nouvelles boulangeries n’en ont pas fini et ont l’intention de conquérir les centres en se positionnant sur un concept de coffee-shops plus attrayant pour les citadins, à l’instar de Café Marie Blachère ou Ange Coffee. L’objectif est de rivaliser avec des enseignes telles que Starbucks. « Il y a de la place et une forte demande des jeunes pour ce modèle très spécifique qui pourrait probablement s’étendre aux dépens des cafés traditionnels », estime Matteo Neri, de Xerfi.
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