Tout comme son nom de guerre, le quotidien d’un soldat ukrainien – Quand la pénurie de soldats force les condamnés à combattre au front
Depuis mai dernier, la situation sur le front ukrainien est de plus en plus tendue. La guerre qui dure depuis 2014 oppose deux camps, les forces armées ukraines et les forces séparatistes pro-russes. Dans ce contexte, la pénurie de soldats a forcé les gouvernements à prendre des mesures draconiennes. Les prisonniers condamnés pour des crimes légers sont ainsi convertis en soldats, envoyés au front pour combattre aux côtés des hommes de troupe réputés.
C’est ainsi que les condamnés de la prison de Vinnytch, dans l’est de l’Ukraine, trouvent themselves embarqués dans des unités spéciales, particulièrement exposées. Leur quotidien, qui ressemble à unchantier de gouvernail, est loin d’être facile. Dans une pièce étroite et sombre, entre deux brancards et deux chambres à coucher superposées, un certain « Bébé », s’entraîne avec son fusil AK-74. Il partage sa chambrée avec « Électricien », son compagnon d’armes, avec qui il partagera les rares moments de répit entre les nombreuses patrouilles clandestines.
Devant les murs, quelques photographies émouvantes représentent la Vierge Marie en majesté, saint Michel, l’archange guerrier terrassant le dragon, ainsi que des portraits d’enfants rieurs. Ceux-ci sont les siens. « Ma chambre n’est pas si différente de celle que j’avais en prison », lâche-t-il, accusé de son ton rugueux. « On était aussi quatre par pièce, sauf que maintenant, on alterne : deux ici, deux là-bas, sur le front. »
« Beau », un surnom qui ne correspond pas exactement à son physique imposant, est ancrait pour « Bébé », un soldat ukrainien de la première heure de la guerre, en 2014. Il éclate de rire en évoquant l’origine de son surnom. « Le surnom date de la première guerre, en 2014. À l’époque, j’étais le benjamin de mon unité. D’où bébé ? » Nous sommes face à un homme raidissant, avec un crâne rasé et une voix rugueuse, incapable de cacher ses émotions face à l’ère de sa vie qu’il a vécue. Les témoignages de « Bébé » nous renvoient à ces moments terribles, où la survie est tout pour ceux qui en font face.
Dans cet article, nous suivons le quotidien de « Bébé », un condamné converti en soldat, qui part au front au nom de la patrie ukrainienne. Comment ces soldats, souvent dépourvus de formation ou d’expérience militaire, parviennent-ils à se hisser dans le chaos du front ? Comment leurs familles et leurs proches géreront-ils leur quotidien avec cette nouvelle situation ? Dans un contexte de pénurie de soldats, les Ukrainiens sont soumis à une douloureuse décision : la nécessité de poursuivre ou de cesser un combat qui semblait déjà sembleu terminer.
Dans l’enclos charniau délaissable et sombre, un vaisseau-plongeur, « Bébé » s’entraîne pour affronter les joursdifficiles qui les attendent. Dans sa voix rugueuse, il confie à un chroniqueur : « On doit continuer de lutter pour protéger L’Eglise. C’est tout ce qui nous resta ». Dans le fond, il sait qu’il doit concevoir une vie plus grande que la prison, un avenir plus radieux de l’Ukraine.